III. La mise en oeuvre des règles de responsabilité de l'employeur



III. La mise en oeuvre des règles de responsabilité de l'employeur





Dans le cadre de son obligation de sécurité, l'employeur doit mettre en œuvre certaines actions de prévention :


A. La responsabilité civile de l'employeur

1. Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité civile de l'employeur

Pour que la responsabilité civile de l'employeur soit engagée, il est nécessaire que celui-ci ait commis une faute ayant causé un dommage à autrui.


a. La survenance d'un dommage

En matière de sécurité, la survenance de dommages est, dans la plupart des cas, due à la faute inexcusable de l'employeur, ou aux fautes intentionnelles des membres de la structure (employeur, salariés).

En l'absence de dommage (en l'occurrence, ici, une atteinte aux personnes leur causant un préjudice physique ou moral) la responsabilité civile de l'employeur ne pourra pas être engagée.



b. L'existence d'une faute de l'employeur

La faute inexcusable de l'employeur

La faute inexcusable n'est pas définie par la loi, mais par la jurisprudence. Cette définition, longtemps demeurée inchangé, a été profondément remaniée en 2002 à l'occasion d'une série d'arrêts rendus à propos de salariés victimes de maladies professionnelles liées à l'amiante (Cass. Soc. 28 février 2002, n° 99-17.201).

En vertu du contrat de travail, l'employeur est tenu, envers le salarié, d'une obligation de sécurité. La jurisprudence, issue des arrêts « amiante », définit la faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Dans ce cas, la CPAM peut donc exiger de l'employeur le remboursement des indemnités qu'elle a versées au salarié, le salarié pourra aussi bénéficier d'un remboursement intégral du préjudice contrairement au remboursement forfaitaire applicable en cas d'accident de travail classique.

L'exigence de la conscience du danger ne signifie pas une connaissance effective du danger. La Cour de cassation constate simplement que l'auteur « ne pouvait ignorer » celui-ci ou « ne pouvait pas ne pas en avoir conscience » ou encore qu'il « aurait dû » en avoir connaissance. Elle se réfère à cet égard à un entrepreneur avisé ou averti, soulignant les qualités professionnelles qu'un tel responsable doit posséder. Le risque doit avoir été raisonnablement prévisible (Cass. Soc. 7 février 1962, n° 158 du bulletin officiel).

Toutefois, l'employeur ne peut se voir imputer une faute inexcusable lorsque la cause de l'accident est indéterminée et lorsque les circonstances de l'accident sont demeurées incertaines (Cass. Soc. 16 novembre 2004, n° 02-31.003).


La faute intentionnelle de l'employeur

Pour qu'il y ait faute intentionnelle, il faut la réunion de deux éléments :

             • un acte volontaire (Cass. Soc. 13 janvier1966, n° 65-10.806).
             • une intention de nuire : la faute intentionnelle de l'employeur ou de ses salariés implique nécessairement l'intention délibérée de causer des blessures à la victime (Cass. Soc. 20 avril 1988, n° 86-15.690).

Celui qui se rend coupable d'une faute intentionnelle est susceptible d'engager sa responsabilité pénale et civile en raison de l'accident du travail qu'il a provoqué (voir partie suivante).


Le lien de causalité entre la faute de l'employeur et la survenance du dommage

Pour que la responsabilité puisse être retenue il faut que la cause de l'accident ou de la maladie soit bien déterminée, et imputable à la faute de l'employeur. Le fait que la faute ou la négligence de l'employeur ait simplement concouru à la réalisation du dommage suffit à établir l'existence d'une faute inexcusable ; peu important donc qu'un tiers ou la victime elle-même ait également concouru à la survenance du dommage (Cass. Soc. 24 juin2005, n° 03-30.038).


2. Les sanctions civiles à l'encontre de l'employeur

a. Les règles générales de la responsabilité civile

En cas d'accident du travail, ou de maladie professionnelle, les règles de droit commun sont écartées pour laisser place à la législation spéciale de réparation issue du Code de la sécurité sociale. Dans ce cas, aucun recours contre l'employeur n'est possible puisque la victime est indemnisée de manière forfaitaire par la Sécurité sociale.

En revanche, la survenance d'accidents du travail et/ou de maladies professionnelles chez des salariés de la structure aura pour effet d'augmenter les taux de cotisations accident du travail pour l'entreprise non soumise aux taux collectifs.

C'est seulement en cas de faute inexcusable ou intentionnelle de l'employeur que la victime peut obtenir une réparation plus complète qui sera versée par la Sécurité sociale. La Sécurité sociale se fera ensuite rembourser par l'employeur (article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale).


b. En cas de faute inexcusable de l'employeur

« Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire » de celle versée par la Sécurité sociale ou les organismes de prévoyance (article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale).

Ainsi, indépendamment de toute autre indemnisation, il est prévu que (article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale) :

             • La victime peut demander à l'employeur, devant la juridiction de la Sécurité sociale, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par elle, de ses préjudices esthétiques, ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;

             • Les ayants droits d'une victime décédée qui n'ont pas droit à une rente peuvent demander devant la juridiction de la sécurité sociale la réparation, par l'employeur, de leur préjudice moral.

Il est indifférent que la faute inexcusable, commise par l'employeur, ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concourues au dommage (Cass. Soc. 12 juillet 2007, n° 06-16.748).

Il résulte de la jurisprudence que la faute de la victime ou d'un tiers ne peut exonérer l'employeur de sa responsabilité, dès l'instant que la faute de ce dernier a participé à la survenance de l'accident ou de la maladie.

Un salarié victime d'un accident du travail dû à une faute inexcusable de l'employeur et qui aurait dû, à la fin de l'année, développer une activité libérale plus lucrative a bénéficié de dommages et intérêts versés par l'employeur pour la « perte de possibilités professionnelles » qu'il a subie (Cass. Soc. 20 septembre 2005, n° 04-30.278).


c. En cas de faute intentionnelle de l'employeur

La victime a la possibilité d'agir contre l'employeur afin d'obtenir une réparation des préjudices non couverts par les prescriptions légales (réparation du préjudice moral, du préjudice esthétique…), et donc non remboursés par la Sécurité sociale.



B. La responsabilité pénale de l'employeur

L'employeur est responsable des infractions à la législation sociale commises dans l'entreprise par lui-même ou par ses salariés. Cette responsabilité ne vaut toutefois que pour les infractions matérielles (contraventions) et pour les délits non intentionnels. Sauf cas particulier, l'employeur ne doit pas répondre des délits intentionnels commis par ses salariés et auxquels il n'a pas personnellement participé (article 121-1 du Code pénal).

Le dirigeant d'entreprise, à qui incombe le respect de cette réglementation, est depuis longtemps désigné par la jurisprudence comme étant, à priori, responsable des infractions qui y sont commises.

Cette responsabilité de principe est toutefois soumise à des conditions précises.

1. Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité pénale de l'employeur

Les faits reprochés à un employeur ne peuvent engager sa responsabilité pénale que si les trois éléments constitutifs d'une infraction sont réunis. Ces éléments (légal, matériel et moral) peuvent être définis de la façon suivante :

             • la responsabilité pénale suppose, en premier lieu, la violation d'un texte légal en vigueur, définissant les éléments de l'infraction ;

             • elle nécessite, en outre, un comportement matérialisant l'infraction : il peut s'agir d'une action ou d'une omission coupable ;

             • il faut enfin que soit constatée l'existence d'une faute pénale dont la nature diffère selon que l'infraction constitue une contravention ou un délit.


2. Les sanctions en cas de mise en œuvre de la responsabilité pénale de l'employeur

Selon les articles L. 4741-1 et L. 4741-9 du Code du travail, les infractions aux prescriptions d'hygiène et sécurité sont punies d'une amende de 10 000 euros. L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de travailleurs de l'entreprise concernés par l'infraction.

En cas de récidive, le tribunal peut prononcer une condamnation à une peine d'un an de prison et à une amende de 30 000 euros.

Enfin, le tribunal peut ordonner la fermeture totale ou partielle, temporaire ou définitive, de l'entreprise dans laquelle n'auraient pas été faits les travaux de sécurité requis (article L. 4741-12 du Code du travail).


3. Le cas particulier de la mise en danger d'autrui

Lorsque la loi le prévoit, la responsabilité de l'employeur peut être mise en cause en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui. La faute de mise en danger délibérée suppose que l'employeur auteur du délit ait eu conscience du risque grave pour autrui pouvant résulter de son comportement (ce type de faute peut notamment être relevé en cas de risque d'accident du travail).

Constitue un délit passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende au plus le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement (article 223-1 du Code pénal).



C. La responsabilité des salariés

Les salariés sont responsables des délits intentionnels commis par eux-mêmes.

Ils sont, de plus, responsables des infractions personnelles qu'ils commettent et qui entrainent des homicides ou coups et blessures involontaires, et ce en dehors de toute inobservation des règlements sur l'hygiène et la sécurité (articles 221-6 et suivants du Code pénal).

Enfin, il est à noter que la responsabilité pénale de l'employeur ne fait pas obstacle aux poursuites engagées contre les salariés coupables d'une faute personnelle. L'inverse est vrai aussi.



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