I. Le cadre général de l'obligation de sécurité



I. Le cadre général de l'obligation de sécurité





A. Les sources et la notion d'obligation de sécurité

1. Les sources de l'obligation de sécurité

Le Code du travail fixe le principe selon lequel, « l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs Ces mesures comprennent :

             • Des actions de prévention des risques professionnels,
             • Des actions d'information et de formation,
             • La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes » (articles L. 4121-1 et suivants du Code du travail).

Cet article édicte des mesures générales, il a donc un champ d'application vaste qui ne s'inscrit pas dans un cadre réglementaire précis. Il peut donc être reproché à un employeur de ne pas respecter l'obligation de sécurité à l'égard des salariés même en l'absence de réglementation précise dès lors qu'il n'a pas respecté les mesures édictées précédemment.

Cet article du Code du travail est le résultat de la transposition d'une directive communautaire : « l'employeur est obligé d'assurer la santé et la sécurité des travailleurs dans tous les aspects liés au travail » (article 5, Directive CEE n° 89 931 du 12 juin 1989). L'obligation de sécurité des travailleurs est donc une problématique qui dépasse les frontières de l'Etat.

Enfin, dans un chapitre spécifique (chapitre 6), la Convention collective nationale du Sport (CCNS) reprend à son compte les « principes généraux en matière d'hygiène, sécurité, santé et conditions de travail ». L'article 6.1 de la CCNS stipule que : « Tout sera mis en œuvre dans l'entreprise afin de préserver la santé physique et mentale ainsi que la sécurité des employés ». Il est en outre précisé que « En tant qu'il peut présenter des risques spécifiques, le sport impose à tous les intervenants, employeurs et salariés, une vigilance en matière de sécurité » (article 6.2.2.1 CCNS).


2. La notion d'obligation de prévention des risques professionnels

Tous les employeurs de droit privé, et notamment les associations (ainsi que les établissements publics à caractère industriel et commercial et les établissements publics administratifs, lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé), sont tenus de respecter les règles d'hygiène et sécurité prescrites par le Code du travail (article L. 4111-1 du Code du travail).

Les salariés bénéficient des règles d'hygiène et sécurité, quelle que soit la nature de leur contrat de travail. Ces règles doivent être aménagées pour tenir compte des particularités de certains contrats de travail ou de certaines situations.

Anciennement une obligation de résultat, c'est-à-dire exposant l'employeur à la mise en cause de sa responsabilité du seul fait de l'accident, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence par deux arrêts en 2015 et 2016 (Cass. Soc. 25 novembre 2015 n°14-24.444 ; Cass. Soc. 1erjuin 2016 n°14-19.702). L'employeur respecte son obligation de sécurité dès lors qu'il a pris l'ensemble des mesures de prévention qu'imposent les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.

Ainsi, l'employeur doit mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer la protection de ses salariés en entreprise et n'engagera pas sa responsabilité dès lors qu'il a respecté son obligation de prévention de risques. La Cour de cassation a ainsi recentré l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur sur la prévention. Les mesures prises doivent être concrètes, individualisées et suffisantes (Cass. Soc. 17 novembre 2018 n° 17-17.985)



B. Les acteurs de la santé et de la sécurité au travail

1. L'employeur

L'employeur est le principal acteur de l'obligation de sécurité (voir l'article L.4121-1 du Code du travail mentionné ci-dessus).

Mais l'employeur n'est pas le seul acteur de l'entreprise concerné par la mise en œuvre de l'obligation de sécurité.


2. Le Comité Social et Economique

Lorsque le CSE a été instauré au sein de l'entreprise, il devient l'organe de référence pour mettre en place la prévention des risques. Il doit être consulté dans l'élaboration des registres obligatoires en matière de prévention (les registres en question sont développés dans la seconde partie de la fiche). Il est aussi consulté à l'occasion de la confection des programmes de formation. Il veille à leur mise en œuvre effective (article L. 4143-1 du Code du travail).

a. Dans les entreprises de moins de 50 salariés

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, en matière de santé et de conditions de travail, le CSE est investi d'une simple mission de promotion de la santé, de la sécurité et de l'amélioration des conditions de travail. Mais le CSE garde la possibilité de mener des enquêtes en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles. De plus, il est possible de mettre en place par accord entre l'employeur et le CSE au sens de l'article L. 2315-43 la Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT) (attention, cela n'est possible que dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Dans hypothèse ou l'entreprise dispose de délégués syndicaux, l'accord devra être conclu avec eux).

L'employeur étant titulaire d'une obligation de sécurité de prévention vis-à-vis de ses salariés, le fait de mettre en œuvre un dispositif plus protecteur pour les salarié par l'établissement conventionnel et volontaire d'une CSSCT peut aider à prouver que l'employeur a mis en place des éléments afin de prendre en compte au mieux les problématiques liées à la santé et la sécurité des travailleurs dans l'entreprise.

En tout état de cause, l'instauration de la CSSCT, même si elle n'est pas obligatoire, peut permettre par la consultation des salariés d'anticiper certains risques et donc, en cas d'accident, de renforcer l'idée que le risque était imprévisible et que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de moyens.


b. Dans les entreprises de plus de 50 salariés

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, l'employeur est tenu de consulter le CSE pour toute décision prise dans le cadre de la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

De plus, le CSE dispose de prérogatives spécifiques en matière de santé, sécurité et conditions de travail. Le CSE doit analyser les risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs de l'entreprise, notamment les femmes enceintes, ainsi que des effets de l'exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l'article L. 4161-1 du Code du travail. Il doit contribuer à faciliter l'accès des femmes à tous les emplois, à la résolution des problèmes liés à la maternité, à l'adaptation et à l'aménagement des postes de travail afin de faciliter l'accès et le maintien des personnes handicapées à tous les emplois au cours de leur vie professionnelle. Enfin le CSE peut proposer des actions de prévention contre le harcèlement moral et sexuel et les agissements sexistes. Le refus de l'employeur devant toujours être motivé (articles L. 2312-12 et suivants du Code du travail).


3. La Commission Santé Sécurité et Conditions de Travail

La CSSCT est un organe du CSE se voyant confier par délégation du CSE, la mission de veiller à la protection de la sécurité et de la santé des salariés et de contribuer à améliorer leurs conditions de travail.

La mise en place de la CSSCT est régie par les articles L.2315-36 et suivants du Code du travail.

Ainsi, sa mise en place est obligatoire :

             • Dans les entreprises et les établissements distincts de plus de 300 salariés;

             • Dans les établissements mentionnés aux articles L. 4521-1 et suivants du Code du travail (établissements comprenant au moins une installation nucléaire de base au sens de l'article L. 593-1 du Code de l'environnement ou une installation figurant sur la liste prévue à l'article L. 515-36 du même code ou soumise aux dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-3, des titres II à VII et du chapitre II du titre VIII du livre II du Code minier).


La CSSCT peut également être mise en place dans les entreprises ou établissements distincts de moins de 300 salariés :
             • Sur décision de l'inspecteur du travail, lorsque cette mesure est nécessaire, notamment en raison de la nature des activités, de l'agencement ou de l'équipement des locaux (article L.2315-37 du Code du travail) ;
             • Par accord collectif.


4. Les salariés

En matière de sécurité, le salarié est aussi tenu par certains devoirs et obligations.

a. Le devoir de vigilance

Les salariés doivent veiller à leur propre sécurité et à celle des autres travailleurs et de toutes les personnes concernées par leurs actes. Le devoir de vigilance est ainsi défini par le Code du travail : « conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé, ainsi que celle des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail » (article L. 4122-1 du Code du travail).

Le non respect de cette disposition par le travailleur est constitutif d'une faute dont la sanction peut aller jusqu'au licenciement pour faute grave (Cass. Soc. 28/02/2002, n° 00-41.220).

A noter : il a été jugé qu'en l'absence de sanctions antérieures, le comportement dangereux d'un salarié n'était pas fautif (Cass. Soc. 25 juin 2008, n° 07-41.653).

En ce sens, il convient de sanctionner tout manquement à l'obligation de sécurité qui pèse sur le salarié au sens de l'article L.4122-1 du Code du travail. La sanction devra bien entendu être prise en fonction des faits et de la situation, et être proportionnée au manquement constaté.


b. Les droits d'alerte et de retrait

En cas de danger grave et imminent (ce qu'il faut comprendre comme une menace susceptible de provoquer une atteinte sérieuse à l'intégrité physique d'un travailleur dans un proche délai et qui ne se confond pas avec le risque habituel que certains postes ou emplois comportent), des mesures peuvent ou, selon le cas, doivent être prises, à l'initiative des salariés confrontés à ce danger ou à celle des représentants du personnel ou de l'employeur (articles L. 4131-1 et L. 4131-2 du Code du travail).

La cause du danger n'est pas nécessairement extérieure au salarié (machine, processus de fabrication, ambiance de travail...). Elle peut aussi résulter de son état de santé (Cass. Soc.20 mars 1996, n° 93-40.111), l'intéressé pouvant par exemple estimer être en danger du fait qu'il lui est demandé d'exécuter un travail dans des conditions contraires aux réserves émises par le médecin du travail sur son aptitude à un emploi (Cass. Soc. 10 mai 2001, n° 00-43.437).La réalité du danger n'a pas à être prouvée. Il suffit que le salarié ait un motif raisonnable de penser que celui-ci existe. En cas de litige, les juges du fond apprécient souverainement si l'intéressé justifiait ou non d'un tel motif (Cass. Soc. 20 janvier1993, n° 91-42.028).

Le salarié pourra/devra exercer, selon les circonstances, un droit d'alerte et /ou un droit de retrait.

Le salarié doit alerter immédiatement l'employeur ou son représentant de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, et celle des autres personnes concernées par ses actes, ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection : c'est le droit d'alerte (article L. 4131-1 du Code du travail).

Chaque salarié est en droit de se retirer d'une telle situation de travail (mais non d'arrêter les machines) sans avoir à demander l'accord de l'employeur : il s'agit du droit de retrait.

Attention : le salarié doit le faire sans créer pour autrui une nouvelle situation de risque grave et imminent (article L. 4132-1du Code du travail). Le droit de retrait est facultatif. Le fait de ne pas en avoir fait usage ne peut constituer une faute (Cass. Soc. 9/12/2003, n° 02-47579) et ne peut être reproché à un salarié victime d'un accident du travail (Circulaire DRT-15 du 25 mars 1993).

Aucune sanction ne peut être prise à l'encontre de salariés qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'entre eux (article L. 4131-3 du Code du travail).

Un licenciement prononcé pour ce motif est nul (Cass. Soc. 28 janvier 2009, n°07-44.556).

Pour que les droits d'alerte et de retrait soient exercés valablement, le salarié doit donc :
             • Constater un danger grave et imminent créant une menace susceptible de provoquer une atteinte sérieuse à l'intégrité physique d'un travailleur dans un proche délai ;
             • Alerter immédiatement l'employeur de cette situation ;
             • Ne pas créer une nouvelle situation de risque grave ou imminent en exerçant son droit de retrait.

En dehors de ces conditions, le salarié n'est tenu à aucun formalisme particulier.


5. L'inspection du travail

L'inspection du travail exerce une mission d'information et de conseil auprès des entreprises. L'inspecteur du travail est chargé de contrôler le respect des dispositions du droit du travail dans l'entreprise (libre accès).

Ainsi, lorsqu'il constate un manquement à la règlementation, il peut ;

             • Rappeler l'employeur à ses obligations ;
             • Le mettre en demeure, par écrit, de les exécuter (article L. 4721-4 du Code du travail) ;
             • Dresser un procès-verbal des infractions constatées et les transmettre à l'autorité judiciaire qui a l'initiative des poursuites (article L. 8113-7 du Code du travail) ;
             • Saisir le juge des référés en cas de risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique des salariés (article L. 4732-2 du Code du travail).


6. Le service de santé au travail (médecin du travail)

Il a un rôle exclusivement préventif. Il détermine l'aptitude du salarié à son poste de travail et assure un suivi en fonction des risques auxquels le salarié est exposé.

Il doit être invité annuellement aux réunions du CSE et/ou de la CCSCT lorsqu'elle est mise en place. En plus de cela, l'employeur doit confirmer au moins 15 jours à l'avance la tenue de ces réunions à l'inspection du travail (article L. 2315-27 du Code du travail). Le médecin du travail peut également être consulté directement par l'employeur pour l'accompagner dans l'évaluation des risques professionnels au sein de la structure.


7. La CARSAT (Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail)

Il s'agit de l'assureur du risque accident du travail et maladie professionnelle (AT/MP). Il notifie le taux de cotisation applicable à l'établissement ; son objectif est de faire diminuer le coût du risque.

Des ingénieurs en prévention des risques professionnels peuvent apporter une assistance aux employeurs en cas de demande spécifique. La CARSAT peut également apporter des financements d'action de prévention des risques professionnels.


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