Transfert des Creps aux régions : on va jouer les prolongations



             Alors que l'Etat envisage le transfert des centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (Creps) aux régions, la dernière réunion entre le ministère des Sports et les organisations syndicales est loin d'avoir levé toutes les ambiguïtés et répondu à toutes les attentes. Le flou sur les obligations des régions, et sur l'égalité des territoires qui en découle, est toujours en litige.

             L'annonce par le gouvernement, le 2 avril, d'une réorganisation du projet de décentralisation, prévoyant le découpage en trois textes distincts et l'étalement du calendrier de la réforme, fait plutôt plaisir aux organisations syndicales du ministère des Sports. Ils vont en effet pouvoir jouer les prolongations et – peut-être – obtenir les réponses que la réunion du 3 avril, avec les services de la direction des Sports du ministère, sur le transfert des Creps aux régions ne leur a pas fournies. "Vu le retard sur le dossier, ce point devrait faire partie du troisième volet de la future décentralisation, telle que remaniée récemment, nous avons donc gagné un peu de temps. C'est un élément très important, la concertation peut être plus longue que ce qui était prévu au départ", se réjouit Jean-Paul Krumbholz. Pour le secrétaire général du Syndicat national des activités physiques et sportives (Snaps), cette réunion n'a cependant pas été un coup d'épée dans l'eau. Il parle ainsi "d'avancées qui ne nous satisfont pas totalement mais presque", et précise : "Si le transfert s'effectue et que les conditions du transfert sont conformes à ce qui s'est passé pour les lycées, cela nous convient."
             Il reste toutefois pour le Snaps deux problèmes majeurs à régler. Tout d'abord, "il faut une modification du statut des Creps pour les faire passer du statut d'établissements nationaux à celui d'établissements à caractère régional. Or nous n'avons aucune précision là-dessus", affirme Jean-Paul Krumbholz. En effet, selon le syndicaliste, les Creps, en tant qu'établissements nationaux, "n'ont pas de raison de rentrer dans une décentralisation, puisque le principe de la décentralisation est de confier des responsabilités aux régions qui ne pourront s'exercer que sur leur territoire". D'où sa demande de changement de statut des Creps.

             Quid en cas de refus de la région de créer un Creps ?

             Autre point crucial pour le Snaps : "On ne sait toujours pas si les régions pourront choisir de prendre un Creps sur la base du volontariat, ou si l'Etat imposera de le faire, ou encore si l'Etat créera un Creps par région, qui sera ensuite décentralisé", pointe Jean-Paul Krumbholz. Or pour l'organisation majoritaire chez les personnels du ministère des Sports, la décentralisation pourrait servir à ramener l'égalité en couvrant tout le territoire alors que, depuis la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et la fermeture de huit établissements, seules seize régions conservent aujourd'hui un Creps. Le Snaps aimerait notamment que le futur texte de loi prévoie une disposition similaire à celle du Code de l'éducation qui dispose, dans le cadre des lycées, que si la région refuse une construction, l'Etat se substitue à elle. L'hypothèse du refus d'une région de prendre en main un Creps existant ou d'en créer un, le cas échéant, n'est pas aujourd'hui prévue. Sur ce point, le ministère aurait reconnu un manque.
             Autre son de cloche du côté du Sgen-CFDT. Son secrétaire général Jean-Marc Grimont n'a vu dans la réunion du 3 avril "aucune avancée" et évoque "un texte incomplet", tout en déplorant que le projet "semble bouclé dans ses grandes lignes". Le Sgen-CFDT pointe de son côté deux écueils principaux. Il y a d'abord "une incertitude" sur l'avenir des personnels n'exerçant pas des missions de catégorie A. Alors que le projet de loi dispose que "la région assure le recrutement et la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de service exerçant leurs missions dans les [Creps]" et que "l'Etat a la charge de la rémunération des agents de l'Etat", Jean-Marc Grimont estime qu'il n'y a "pas encore de visibilité sur la façon dont est envisagé le devenir des personnels qui sont sur des missions techniques, documentalistes, informaticiens, etc. Les documents de travail semblent réduire les personnels qui resteraient gérés par l'Etat uniquement aux personnels de catégorie A. Or dans les Creps, il y a à peu près la moitié des personnels qui ne sont pas issus des corps spécifiques, ainsi qu'énormément de contractuels."

             Quelles missions pour les Creps ?

             Sur le fond, le Sgen-CFDT "avant de savoir s'il y aura un Creps par région" avoue sa préoccupation pour la question statutaire : "On pensait que cette opération de décentralisation pouvait avoir lieu après constitution d'un ensemble cohérent autour d'un grand établissement, et non pas en créant des établissements de taille variable, exposés à des situations très différentes en fonction de la situation locale", explique Jean-Marc Grimont. Pour lui, il convient donc de "bien définir les missions d'un ensemble d'établissements… si on parle toujours bien d'un ensemble d'établissements. Car ça encore, ce n'est pas très clair. La forme que pourrait prendre le réseau de formation tel qu'il existait avec l'Insep [Institut national du sport, de l'expertise et de la performance] au sommet, ce n'est pas encore bien calé". En d'autres termes, s'agirait-il d'un réseau décentralisé ou d'un maillage d'établissements sans tête de réseau fédératrice ?
             Autre grande différence de position entre le Snaps et le Sgen-CFDT : la répartition des prérogatives entre l'Etat et le mouvement sportif sur le sport de haut niveau. Aujourd'hui, un Creps agit en effet comme opérateur sur le haut niveau, à partir de directives venant du ministère des Sports, établies en accord avec le mouvement sportif. Un établissement n'a donc pas la possibilité d'ouvrir un pôle de haut niveau. En revanche, sur la formation, il mène sa propre politique et établit son propre programme. "Nous ne sommes pas favorables à la délégation de la gestion du haut niveau au mouvement sportif, demandée par le CNOSF [Comité national olympique et sportif français], lequel a reçu une réponse négative du ministère", précise Jean-Paul Krumbholz. A l'inverse, Jean-Marc Grimont voit dans la gestion du sport de haut niveau par le CNOSF "une vraie source d'économies, de modernisation, de simplification. Cela induit un repositionnement de ce qui resterait de l'établissement public sur des missions autres que celles de la préparation sportive de haut niveau : formation, recherche, documentation, prévention, santé, éthique". Le Sgen-CFDT imaginant dans ce cas des conventions portant spécifiquement sur le haut niveau entre les établissements et le mouvement sportif sans tutelle directe du ministère. Arbitrage et précisions se joueront donc lors de prolongations, prévues durant la deuxième quinzaine d'avril.

Jean Damien Lesay

Sources : Localtis