Chantal Jouanno annonce ses priorités pour 2011




Lors des tra­di­tion­nels vœux à la presse et aux par­le­men­tai­res, la Ministre des sports a dressé un tour d'hori­zon des prin­ci­paux dos­siers pour l'année 2011. En marge de son dis­cours, Chantal Jouanno nous a livré une inter­view où elle décline ses idées sur la poli­ti­que qu'elle entend mener.



Voir la vidéo des vœux à la presse et aux parlementaire : interview de Chantal Jouanno




Madame la minis­tre, vous êtes désor­mais à la tête d'un minis­tère des Sports de plein exer­cice. Que signi­fie pour vous une telle évolution ?

C'est une res­pon­sa­bi­lité par­ti­cu­lière d'être à la tête d'un minis­tère de plein exer­cice. Et c'est un choix stra­té­gi­que qui impli­que, dans un pre­mier temps, plus de res­pon­sa­bi­li­tés dans la défi­ni­tion de la poli­ti­que des sports. Après avoir été lié à l'éducation natio­nale, à la jeu­nesse et à la santé, le sport est rede­venu un thème à part entière et il peut être traité sous tou­tes ses dimen­sions : éducatif, social, sani­taire… D'un point de vue sani­taire, le sport est l'une des répon­ses aux pro­blè­mes de société sur l'obé­sité, la pré­ven­tion des mala­dies car­dio­vas­cu­lai­res, ou encore pré­ven­tion du vieillis­se­ment… Dans la réflexion sur les ryth­mes sco­lai­res, je sou­haite déve­lop­per le par­te­na­riat entre le minis­tère des Sports et le minis­tère de l'Éducation natio­nale. Le sport est un for­mi­da­ble outil au ser­vice de la cohé­sion sociale et un vec­teur d'inté­gra­tion. Il ren­force les liens sociaux, il ras­sem­ble. Par ailleurs, la lutte contre la soli­tude est la grande cause natio­nale en cette année 2011 ; le sport est l'une des répon­ses à cette cause.

Quels sont les autres avan­ta­ges d'un minis­tère de plein exer­cice ?

Avoir un minis­tère plein, c'est être sur un plan d'égalité pour tra­vailler avec les autres minis­tè­res concer­nés par la pro­blé­ma­ti­que du sport : celui du Budget, bien sûr, afin de défen­dre les inté­rêts du minis­tère, celui de l'Intérieur avec lequel nous avons plu­sieurs dos­siers com­muns (la lutte contre le dopage, la sécu­rité des grands événements spor­tifs…), mais aussi les minis­tè­res tels que l'Éducation natio­nale, le Tourisme, le Développement dura­ble, ou encore l'Aménagement du ter­ri­toire, la Ville…

Vous avez beau­coup consulté le mou­ve­ment spor­tif depuis votre arri­vée. Vous vous êtes également ren­due à plu­sieurs repri­ses sur le ter­rain. Quels ensei­gne­ments en avez-vous tiré ?

Il faut redon­ner la parole et le pou­voir aux spor­tifs. Je sou­hai­te­rais que l'on parle aujourd'hui essen­tiel­le­ment des .spor­tifs et du sport, et non des affai­res de tech­ni­ques et de tech­no­struc­tu­res. En matière de foot­ball par exem­ple, c'est le bal­lon qui doit être réel­le­ment au coeur des débats, et non les ques­tions de pri­mes. Le foot­ball fran­çais obtient de bons résul­tats, il y a de bel­les ini­tia­ti­ves, mais on n'en parle peut-être pas assez.

Quelles sont les gran­des orien­ta­tions que vous sou­hai­tez don­ner au minis­tère des Sports ?

Je sou­haite m'appuyer sur trois piliers fon­da­men­taux : une nation spor­tive, une nation qui gagne, et enfin un sport pro­pre et sain. Une nation spor­tive, c'est pour moi une nation qui porte, cer­tes, de grands cham­pions sur les podiums inter­na­tio­naux, mais aussi une nation où il y a davan­tage de pra­ti­que ama­teur et une nation où cha­que Français voit le sport comme une par­tie inté­grante de sa vie. Des efforts doi­vent donc être pour­sui­vis pour que tous les Français, quels que soient les ter­ri­toi­res où ils vivent, quel que soit leur âge, leur condi­tion sociale ou leur condi­tion phy­si­que, puis­sent pra­ti­quer. Et pas seu­le­ment une pra­ti­que phy­si­que, mais, au-delà, aller dans les clubs. Il est donc indis­pen­sa­ble de faire un diag­nos­tic pré­cis et com­plet sur l'offre des équipements spor­tifs et le besoin réel sur l'ensem­ble du ter­ri­toire. Un tel diag­nos­tic a déjà été expé­ri­menté dans cer­tai­nes régions, comme l'Île-de-France, par exem­ple. Nous devons l'étendre rapi­de­ment pour avoir un vrai plan de déve­lop­pe­ment des équipements spor­tifs en France. Je pense à des équipements acces­si­bles à tous, qui répon­dent à une véri­ta­ble demande sociale. Le public veut faire du sport, et doit pou­voir trou­ver un lieu de convi­via­lité, accueillant pour toute la famille. Dans la concep­tion même des clubs, il serait per­ti­nent d'éviter les gym­na­ses « froids » et, au contraire, d'y inclure l'équivalent d'un club-house, des lieux d'accueils pour les enfants, etc. Par ailleurs, le minis­tère, tout au moins dans son admi­nis­tra­tion cen­trale, est très foca­lisé sur le sport de haut niveau. Or, je consi­dère qu'il est néces­saire de retrai­ter les ques­tions de notion de nation spor­tive.

Comment comp­tez-vous vous y pren­dre pour arri­ver à un consen­sus ?

Il y a un pro­cédé que j'affec­tionne par­ti­cu­liè­re­ment, celui de la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive, tous les acteurs sont réu­nis autour d'une même table. Aucun ne doit l'empor­ter sur les autres. Nous l'avons évoqué avec Denis Masseglia, le pré­si­dent du CNOSF, et cela rejoint son idée d'états géné­raux du sport. Dès le pre­mier semes­tre 2011, nous met­trons en place cette table ronde. Tout le monde a déjà réflé­chi un peu à ces ques­tions, et ce depuis long­temps. Et nous connais­sons des solu­tions.

Quand vous évoquez une nation qui gagne, est-ce que vous pen­sez seu­le­ment aux médailles ?

Non. Dans ce pilier de la nation qui gagne, le sta­tut du spor­tif de haut niveau et le dou­ble pro­jet sont des éléments clés. Il ne doit plus y avoir un cham­pion sans emploi. Ni un cham­pion qui se retrouve « à la rue » après sa car­rière. Nouer des par­te­na­riats per­met­tant à nos cham­pions de pour­sui­vre des pro­jets pro­fes­sion­nels ou de for­ma­tion en paral­lèle de leur par­cours spor­tif doit être l'une des préoc­cu­pa­tions essen­tiel­les du minis­tère aujourd'hui. Quant à la ques­tion du sta­tut du spor­tif de haut niveau, elle n'a jamais pu être réglée et il est temps d'abou­tir, enfin, à une vraie solu­tion. Il s'agit d'une sim­ple reconnais­sance de la nation à l'égard de ces fem­mes et de ces hom­mes qui consa­crent tant d'heu­res à s'entraî­ner. La réa­lité du spor­tif fran­çais n'est pas celle d'un foot­bal­leur. Elle est beau­coup plus dure par­fois. La ques­tion de leur retraite est, pour moi, cen­trale. Nous allons mul­ti­plier les échanges pour essayer de trou­ver des solu­tions.

On connaît l'impor­tance que vous accor­dez au déve­lop­pe­ment dura­ble. Les assi­ses natio­na­les puis ter­ri­to­ria­les du sport et du déve­lop­pe­ment dura­ble ont amorcé un mou­ve­ment que vous sou­hai­tez pour­sui­vre, voire accen­tuer ?

Oui. Je veux m'ins­crire dans la conti­nuité de ce qu'a ini­tié Rama Yade pré­cé­dem­ment. Non seu­le­ment concer­nant le sport et le déve­lop­pe­ment dura­ble, mais également sur d'autres dos­siers. Quand je parle d'un sport pro­pre et sain, cela impli­que de défen­dre l'éthique du sport, dans le haut niveau, mais aussi dans la pra­ti­que ama­teur, et cela dès le plus jeune âge. Notre prio­rité abso­lue est la lutte contre tou­tes les déri­ves que cons­ti­tuent le dopage dans tous les sports, la cor­rup­tion, notam­ment dans les com­pé­ti­tions de pre­mier niveau, la vio­lence et tou­tes les for­mes de dis­cri­mi­na­tions (racisme, homo­pho­bie…). Je sou­haite d'ailleurs aller plus loin que le prin­cipe d'une charte signée par les fédé­ra­tions. Pourquoi ne pas condi­tion­ner nos aides et les aides publi­ques à des enga­ge­ments et des mesu­res clai­res ? Sur le sport et le déve­lop­pe­ment dura­ble, je sou­hai­te­rai aussi des enga­ge­ments pré­cis de l'ensem­ble des fédé­ra­tions. Les grands événements spor­tifs que la France orga­ni­sera devront être éco conçus. C'était déjà le cas pour la Coupe du monde de rugby en 2007. Et quand vous regar­dez le dos­sier de can­di­da­ture d'Annecy pour les JO de 2018, le déve­lop­pe­ment dura­ble est vrai­ment une valeur ajou­tée.

Sur les 18 mois à venir, le sport fran­çais aura l'esprit tourné vers les Jeux Olympiques de Londres en 2012. Le minis­tère des Sports pourra-t-il mener de front plu­sieurs dos­siers ou devra-t-il don­ner prio­rité à la pré­pa­ra­tion des ath­lè­tes pour Londres ?

Une prio­rité n'en chasse pas une autre. Il y a suf­fi­sam­ment d'acteurs dans le monde du sport pour mener à bien tous ces dos­siers. Pour les Jeux de Londres, le pro­ces­sus est déjà bien engagé. Nous avons la chance d'avoir un INSEP rénové, d'excel­len­tes condi­tions d'entraî­ne­ment… L'année 2011 sera cru­ciale, car les sélec­tions olym­pi­ques vont bien­tôt débu­ter. Nous devrons donc don­ner les moyens aux fédé­ra­tions de « déga­ger » leurs spor­tifs de leurs obli­ga­tions pro­fes­sion­nel­les, s'ils en ont. Mais nous devrons aussi pour cela cibler, avec les fédé­ra­tions, les spor­tifs qui ont un réel poten­tiel de médaille, le nom­bre de podiums envi­sa­gés… afin de ne pas éparpiller inu­ti­le­ment les efforts .

Peut-on déjà évoquer un objec­tif pour les Jeux de Londres ?

Pour les Jeux Olympiques et Paralympiques. Il convient de ne pas les sépa­rer. Avec la direc­tion des sports et l'INSEP, nous allons défi­nir clai­re­ment des objec­tifs dès le début de l'année. Car cela peut être une source d'émulation et de sti­mu­la­tion pour les fédé­ra­tions. L'objec­tif cen­tral est de res­ter dans le top 5 des nations pour les Jeux Olympiques. Et de reve­nir dans le top 5 pour les Jeux Paralympiques après avoir connu une forte régres­sion ces der­niè­res années. Au-delà du nom­bre total de médailles, la France doit viser l'or, en prio­rité.

Quels mes­sa­ges sou­hai­te­riez-vous adres­ser aux spor­tifs fran­çais qui vont, dès ce début d'année 2011, ten­ter de rem­por­ter les pre­miers quo­tas olym­pi­ques ou leurs sélec­tions ?

Ressourcez-vous au maxi­mum auprès de vos famil­les, car vous aurez besoin d'avoir un socle solide lors­que vous pro­dui­rez tous ces efforts. Il ne faut jamais l'oublier.

Un mot sur l'INSEP que vous connais­siez déjà en tant que spor­tive de haut niveau ?

C'est un réel bon­heur de voir à quel point l'établissement est devenu un si bel outil, recen­tré sur la notion d'excel­lence. Quand on se rend à l'INSEP, on sent véri­ta­ble­ment l'âme du sport. La for­ma­tion y a encore gagné en qua­lité et l'évolution en grand établissement d'ensei­gne­ment supé­rieur est la reconnais­sance de son savoir-faire. L'INSEP reste le vais­seau ami­ral du sport de haut niveau et nous nous appuie­rons plus que jamais sur ses res­sour­ces et ses com­pé­ten­ces, mul­ti­ples. Mais plus glo­ba­le­ment, nous avons encore des efforts à faire pour doter le pays d'infra­struc­tu­res de haut niveau. Je pense notam­ment à la nata­tion. Quand on voit cette si belle équipe de France qui gagne, avec des nageu­ses et nageurs qui affi­chent un tel état d'esprit, il n'est pas nor­mal que le pays ne dis­pose pas d'une ins­tal­la­tion digne de ce nom pour accueillir une com­pé­ti­tion inter­na­tio­nale. L'État a tou­jours confirmé et réaf­firmé son sou­tien au pro­jet de bas­sin olym­pi­que. Mais nous atten­dons depuis trop long­temps la réponse d'une grande entre­prise et la confir­ma­tion de la com­mu­nauté d'agglo­mé­ra­tion quant à la pour­suite du pro­jet, son finan­ce­ment et la mise à dis­po­si­tion du ter­rain. Maintenant, nous allons également étudier des solu­tions alter­na­ti­ves, car cette situa­tion d'immo­bi­lisme a assez duré.

Vous avez pra­ti­qué une dis­ci­pline de haut niveau, le karaté. Que vous reste-t-il aujourd'hui de tou­tes ces années de pra­ti­que, quel­les prin­ci­pa­les leçons avez-vous retenu que vous sou­hai­tez met­tre en appli­ca­tion en tant que minis­tre des Sports ?

J'en ai gardé beau­coup de volonté. Il est dif­fi­cile de faire recu­ler un spor­tif de haut niveau. Il n'aime pas l'échec, même s'il y est très sou­vent confronté. La pra­ti­que d'un sport per­met de savoir gérer son stress, de ne pas s'énerver, d'être solide et de ne pas crain­dre l'agres­si­vité des autres. Notamment en karaté. Et puis, le sport en géné­ral, c'est l'équilibre. C'est la rai­son pour laquelle je conti­nue aujourd'hui, en me lan­çant de nou­veaux défis très régu­liè­re­ment.

Vous avez tou­jours sou­tenu la can­di­da­ture d'Annecy pour les Jeux Olympiques de 2018. Il est impor­tant pour vous que la France, mal­gré ses pré­cé­dents échecs, soit régu­liè­re­ment can­di­date à l'orga­ni­sa­tion de grands événements spor­tifs, et notam­ment les Jeux Olympiques ?

La France est un pays qui accueille régu­liè­re­ment de grands événements spor­tifs. Ces deux der­niè­res années, il y a eu la Coupe du monde de rugby, les cham­pion­nats du monde de bad­min­ton, d'escrime… Les cham­pion­nats du monde 2011 de gym­nas­ti­que et de judo auront lieu en France, sans oublier, bien sûr, l'Euro 2016 de foot­ball. Nous som­mes en lice pour obte­nir l'orga­ni­sa­tion de com­pé­ti­tions inter­na­tio­na­les en avi­ron, hand­ball, bas­ket-ball, en golf également avec la Ryder Cup… Nous som­mes foca­li­sés sur les JO, mais la France reste dans les 6 pre­miè­res nations pour l'accueil de grands événements. Et concer­nant la can­di­da­ture d'Annecy pour 2018, une chose est sûre : rien n'est joué d'avance. On a déjà vu par le passé que ceux qui s'étaient décla­rés vain­queurs avant l'heure ont pu connaî­tre une grosse désillu­sion à l'arri­vée. Il est impos­si­ble de dire aujourd'hui qui va l'empor­ter. Dès lors qu'on s'engage dans une can­di­da­ture, c'est pour moi une ques­tion de dignité natio­nale d'aller jusqu'au bout et de por­ter le pro­jet en sym­bo­li­sant au mieux les valeurs de notre pays.

Un vœu pour le sport fran­çais en ce début d'année 2011 ?

Je sou­haite qu'un maxi­mum de Françaises et de Français pra­ti­quent une acti­vité spor­tive, en club, de manière convi­viale.


Source : Ministère des Sports