Congés payés et arrêts maladie : le salarié acquiert désormais un droit à congés pendant l'intégralité de l'arrêt




La Cour de cassation a mis en conformité le droit français avec le droit européen concernant l'acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie. Ainsi, un salarié en arrêt de travail, d'origine professionnelle ou non, doit dorénavant bénéficier de congés payés pendant l'intégralité de sa période d'absence.



             La Cour de cassation, dans une série d'arrêts en date du 13 septembre 2023 (Cass. Soc, n°22-17.340 ; n°22-17.638, n°22-10.529 et 22-11.106) est venue opérer un important revirement de jurisprudence en matière d'acquisition des congés payés.



             A titre liminaire, en vertu des dispositions actuellement en vigueur du Code du travail, le droit français ne prévoit pas pour le salarié le principe d'acquisition des congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnel (articles L.3141-3 et L3141-5 du Code du travail).



             La Cour de cassation dans ces arrêts a jugé ces dispositions contraires au droit de l'Union européenne, en se basant sur l'article 31 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE et sur l'article 7 de la Directive 2003/88 et écarte l'application du droit français.



             Ces décisions entraînent des conséquences très importantes pour les structures. Concrètement, les employeurs doivent désormais penser à alimenter les compteurs de congés payés de leurs salariés en arrêts de travail pendant la totalité de l'absence des salariés, que ces arrêts soient d'origine professionnelle ou non, que les arrêts de travail soient indemnisés ou non, et ce, dès le premier jour d'arrêt.

             Plus précisément, la Haute Juridiction française consacre par cette décision (n°22-17.340) le droit, pour les salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnel, d'acquérir un droit à congé pendant toute cette période de suspension de leur contrat de travail, quelles que soient sa durée ou les modalités d'indemnisation des salariés.

             Concernant les conséquences de cette décision dans notre secteur, pour rappel, hors chapitre 12 concernant les sportifs/entraîneurs professionnels, la CCNS prévoit déjà dans son article 7.1.2 que « sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination du congé annuel […] les périodes de maladie ayant fait l'objet d'une indemnisation au titre de l'article 4.3.1. ».

             Ainsi, en matière d'arrêt d'origine non professionnelle et en application du texte conventionnel, seuls sont assimilés à du temps de travail effectif pour l'acquisition des congés payés les arrêts maladie indemnisés au titre de l'arrêt 4.3.1 de la CCNS (sous condition d'ancienneté d'un an, à partir du 4ème jour et sur une période de 90 jours d'arrêt maximum, appréciée sur les douze mois précédents le 1er jour de l'arrêt).

             L'application de cette décision entraine une modification de pratique conséquente pour les employeurs, qui doivent désormais traiter l'intégralité de l'absence de leurs salariés dans le cadre d'un arrêt maladie – du 1er au dernier jour d'arrêt – pour l'acquisition de congés payés, peu importe les conditions d'ancienneté et les durées d'indemnisations posées par le texte conventionnel.



             Les choses ont également évolué en matière d'arrêt de travail d'origine professionnelle. Pour rappel, en droit français les périodes d'arrêt à ce titre sont assimilées à du temps de travail effectif mais uniquement pendant une durée d'un an (article L.3141-5 du Code du travail).

             La Cour de cassation opère également sur ce sujet un revirement et écarte l'application de cette disposition, plus particulièrement la durée limitative d'un an pour l'acquisition de congés. Ces périodes sont désormais prises en compte en intégralité pour la détermination du droit à congés payés, quelle que soit leur durée (Cass. Soc, n°22-17.638).

             Sur ce point, les conséquences sur notre secteur sont limitées, le texte conventionnel ne reprenant pas cette limite d'un an prévue dans le Code du travail. Nous avons toujours conseillé une interprétation sans limitation de la CCNS sur ce point et de considérer que les salariés acquièrent un droit à congés payés pendant l'intégralité de la durée de l'arrêt d'origine professionnelle (accident de trajet, accident du travail, maladie professionnelle).



             Enfin, la troisième décision (Cass. Soc, n°22-10.529) répond à la question du point de départ du délai de prescription s'appliquant si un salarié demande en justice des rappels de salaire au titre de congés payés non respectés, en cas de litige avec l'employeur.

             A titre de rappel, le délai de prescription est un délai à ne pas dépasser pour pouvoir engager une telle action en justice et demander réparation. Une fois ce délai écoulé, le droit d'agir en justice est éteint. En matière d'indemnité de congés payés, la prescription est en principe de 3 ans.

             La Cour de cassation précise dans sa décision que la prescription ne démarre que lorsque l'employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d'exercer effectivement son droit à congés. En pratique, cette condition serait remplie si l'employeur a à minima informé son salarié de son droit à congés payés, voire même sur la période de prise effective de ces congés et sur l'ordre de départ en congés.

             Nous manquons encore de recul sur les implications de cette dernière décision pour les salariés n'ayant pas bénéficié de compteurs de congés payés conformes à ces nouvelles exigences concernant les arrêts de travail et qui seraient amenés à demander une régularisation de la situation passée à l'employeur.



             Nous sommes conscients des modifications importantes que ces décisions entraînent pour les employeurs. Nous vous invitons à solliciter notre service si vous avez besoin d'informations complémentaires et nous vous tiendrons au courant des précisions éventuelles qui interviendraient sur l'interprétation de ces décisions de la Cour de cassation.



Source : COSMOS