Tony Estanguet : «Je partage l'inquiétude du mouvement sportif»



             Tony Estanguet, le président du comité d'organisation des JO de Paris 2024, dresse un bilan positif de la première année, après l'attribution des Jeux. Mais il partage «l'inquiétude du mouvement sportif» sur les baisses de moyens budgétaires.


«Quel bilan tirez-vous, un an après l'obtention des Jeux Olympiques ?


             Je suis très heureux. On est vraiment sur de bons rails, les fondations sont posées. Après Lima (où avait lieu la session du CIO qui attribué les Jeux à Paris), il a fallu terminer l'aventure de la candidature, avec au passage un petit excédent de six millions d'euros redistribués aux acteurs publics. On a gardé un mouvement sportif majoritaire dans le comité d'organisation des JO (COJO), tout en associant les acteurs publics et la société civile. On a travaillé sur la loi olympique et paralympique (adoptée par le Parlement le 15 mars), qui est aussi un chantier important. Et, à chaque étape, on a élevé l'ambition. La revue du projet nous a permis de stabiliser la maquette financière de l'argent public et d'améliorer l'héritage puisqu'il y aura neuf bassins (aquatiques, contre cinq auparavant). On vient de signer le «marketing plan agreement» avec le CIO. C'est la première fois qu'il inclura un volet paralympique. Cela va nous permettre d'aller contacter les partenaires pour qu'au 1er janvier 2019 on soit prêt à activer (les droits du premier sponsor). Mon rôle, c'est de coordonner le rôle de tous les acteurs, mais c'est surtout de maintenir le niveau d'ambition. On veut marquer l'histoire de ce pays et on est pour l'instant sur de bons rails.


Pourtant, les acteurs du mouvement sportif s'inquiètent aujourd'hui d'un désengagement de l'Etat. Est-ce que vous partagez cette inquiétude ?


             Oui, je comprends cette inquiétude et je la partage. Je suis tout cela de très près. Je sais que c'est très compliqué. C'est moins mon rôle, en tant que président de Paris 2024, d'être impliqué directement dans les relations entre l'Etat et le mouvement sportif. En revanche, je continue d'échanger avec ces acteurs parce que ça me touche. Si on fait tout ça, si on a décidé d'être candidat, si on a gagné les Jeux, c'est quand même pour accompagner le développement du sport dans ce pays. Peut-être que je me trompe, mais je crois que ce serait pire si on n'avait pas eu les Jeux, qu'il y aurait probablement un scénario plus difficile. Le fait qu'on ait les Jeux nous permet de sauvegarder au maximum l'implication des acteurs. On ne réussira pas l'enjeu d'un sport fort dans ce pays sans l'implication de l'Etat et, en même temps, il faut admettre qu'il faut trouver des solutions, car le sport, comme d'autres secteurs d'activités, doit entrer dans les efforts de financement.

             Paris 2024 prendra sa part de responsabilité pour continuer à promouvoir les sports olympiques et paralympiques. C'est le kayakiste qui vous parle. Les Jeux ont changé ma vie, j'ai eu beau être champion du monde et champion d'Europe, personne n'était au courant en dehors de ma famille. Il a fallu que je sois champion olympique pour qu'on s'intéresse un peu au canoë kayak dans le pays. Je connais la force de frappe que représentent les Jeux, et cette force de frappe, on veut vraiment la mettre au service du sport dans le pays.


Si l'année 2018 a été l'année des fondations, de quoi sera fait 2019 ?


             L'année 2019, c'est l'année de l'engagement, c'est l'année de la mobilisation. Ça veut dire aller sur le terrain, pour la semaine olympique et paralympique (en janvier), monter encore d'un cran, toucher encore plus d'écoles, encore plus d'enfants autour de la promotion des valeurs olympiques et paralympiques. L'enjeu de Paris 2024, c'est de mobiliser comme ça n'a jamais été fait. Je suis convaincu du pouvoir du sport pour susciter des vocations, changer la vie des personnes en situation de handicap, des personnes qui ont envie de retrouver confiance. Le sport est aussi une solution de santé publique. Cet effort va monter en puissance au cours des six prochaines années. Mais mon objectif, c'est que les premiers signaux de cette mobilisation soient patents dès 2019.»


Source : AFP