Face au déficit d'équipements sportifs, la ruralité joue la carte « nature »



             Alors que les communes rurales occupent 60 % du territoire, elles n'accueillent que 27 % du parc total des infrastructures sportives. Plus de kilomètres pour une offre plus limitée qu'en ville, voilà qui constitue un frein indéniable à la pratique. Les dotations existent mais sont mal connues. Une situation qui conduit certains à miser sur les sports de nature en lien avec la demande des publics. Quitte à faire des campagnes des terrains de jeu pour les urbains ?

             D'un point de vue descriptif, le milieu rural se distingue par son déficit d'offre en matière de diversité d'équipements sportifs. Un rapport du ministère des Sports sur l'offre d'équipements sportifs dans les territoires ruraux (1), édité en 2012, montre que les équipementsles plus répandus sont les terrains de football et les courts de tennis. À l'instar du reste de la France cependant, l'espace rural présente « un déficit en matière de salles de remises en forme, bowlings, stades d'athlétisme ou encore de salles spécialisées. De même, les équipements couverts sont peu nombreux », en référence notamment aux centres aquatiques et autres courts de tennis.

Carence et vieillissement

             Adjoint au maire en charge de la jeunesse et des sports de Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône) et président de la commission « Montagne, ruralité et littoral » à l'Andes (2), Stéphane -Kroemer souligne que « les territoires ruraux font face par endroits à une carence et à un vieillissement des équipements ». Une vétusté qui n'est pas spécifique mais qui prend un accent particulier lorsque des infrastructures en question sont amenées à fermer. À l'image de la piscine de Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), 32 ans, devenue une charge trop lourde pour la collectivité. Celle-ci a décidé d'arrêter les frais, le 29 janvier dernier. Pour les habitants, les piscines les plus proches se trouvent désormais à une trentaine de kilomètres. Et elles ne disposent pas de créneaux disponibles pour les scolaires...

Logiquement, le maillage des équipements sportifs est corrélé à la population des territoires. En milieu rural, une commune sur trois (36 %) est dépourvue de toute infrastructure de ce type contre 22 % en zone périurbaine. Il en résulte donc une inégale répartition qui, bien souvent, engendre des déplacements. «Les temps de transports constituent vraiment un frein à la pratique », constate Clément Prévitali, docteur en sociologie du sport. «Les habitants sont souvent contraints d'effectuer de nombreux kilomètres pour pouvoir exercer, avec en outre, une offre plus limitée qu'en ville. Résultat, c'est décourageant pour un grand nombre ».

Le sport va aux populations

             Quelques initiatives fleurissent toutefois ici ou là, à l'image du club de football de l'US Larians-Munans, dont le siège est situé dans une commune - Larians-et-Munans (Haute-Saône) de 243 habitants, entre Besançon et Vesoul. Ce club a la particularité de drainer une... trentaine de communes des alentours. Si bien qu'il a mis en place deux circuits de ramassage en bus pour les jeunes de son école de foot. Autre exempleavec Mobil'Sport (lire Acteurs du Sport n° 194, « En Ardèche, le sport vient aux pratiquants »), porté par la Fédération nationale du sport en milieu rural et le département de l'Ardèche. Une sorte de gymnase itinérant, qui prend la forme d'un fourgon et d'une remorque remplis de matériel sportif. «« C'est le sport qui va aux populations », explique Johann Behr du comité départemental sport en milieu rural (CDSMR) Ardèche, créateur du dispositif. «On peut proposer une trentaine d'activités à des jeunes en périscolaires mais aussi à des personnes âgées ».

L'an passé, 3225 Ardéchois y ont participé à travers 214 animations sur le département. «Nous n'avons pas vocation à nous installer mais à créer des activités dans les communes et à passer le relais », poursuit-il. Comme ce fut le cas aux Ollières-sur-Eyrieux où une section marche nordique a été créée par d'anciens participants à Mobil'Sport. Lancée en 2015, l'initiative est reprise depuis peu en Seine-Maritime et dans les Hautes-Alpes. En 2018, le Cantal, la Drôme et la Réunion vont se lancer. «Il faut compter un investissement de 50000 euros », prévient Johann Behr.

Dotation d'équipement

             Ce type d'initiative illustre également les difficultés pour les collectivités locales, a fortiori en milieu rural, à dégager des moyens financiers pour rénover ou construire des équipements sportifs. L'Andes a également pointé des difficultés d'accès aux informations en matière de financement. «C'est pourquoi, nous avons édité, à destination des adhérents, une fiche synthétique répertoriant toutes les demandes de subventions possibles », reprend Stéphane Kroemer. Entre les leviers privés, participatifs, départementaux, régionaux, étatiques, européens... les options sont nombreuses.mmmmm L'occasion de rappeler que depuis le 1er janvier 2016, les équipements sportifs sont éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), en plus de celle du Centre national pour le développement du sport (CNDS). Sans oublier les fonds européens (Feder...), la dotation du fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) et d'autres aides apportées par les fédérations sportives.
Pour cet élu, « en fonction du dossier, la somme de tout ce dont on peut bénéficier peut financer jusqu'à 80 % du total. Les acteurs n'en ont pas toujours conscience.»

Tourisme sportif

             Pour pallier le manque d'équipements, le rural mise sur les activités de pleine nature. «C'est effectivement une carte que les collectivités essaient de développer à travers des disciplines comme le trail, la marche, la randonnée, le VTT, etc. », poursuit Stéphane Kroemer. «Et en parallèle, il s'agit de développer et d'y associer une forme de tourisme sportif qui va constituer un levier de développement économique important pour le territoire ». Il cite par exemple l'Ultra-trail du Mont-Blanc et ses 74000 nuitées. Ou la cyclo des Trois ballons dans les Vosges: 4000 participants d'une vingtaine de nationalités différentes pour des retombées territoriales estimées à 1 million d'euros.

Au-delà de l'événementiel, l'enjeu est aussi d'aménager des sites naturels pour faciliter les pratiques. À l'image de la Via Vercors dans l'Isère, (lire p. 13), mais pas seulement. Vitré Communauté (Ille-et-Vilaine) mise, elle, sur ses plans d'eau avec notamment l'installation d'une base de loisirs, courant 2015, pour favoriser les pratiques d'activités terrestres comme nautiques des locaux. Sans oublier de viser un public de touristes. Dans cette même optique, Lavelanet (Ariège) travaille aussi « sur les pratiques à partir de l'environnement », comme le souligne le maire Marc Sanchez. «Et si en plus, nous pouvons relier tout cela au patrimoine culturel local c'est encore mieux. Les touristes en profitent au même titre que nos habitants ».

Au-delà des communes et des intercommunalités, l'impulsion peut également venir des départements. Celui des Alpes--Maritimes a développé ces dernières années un axe fort autour des sports de pleine nature. Tourné vers la mer et la montagne, il est aussi décliné « handisport » à travers handiski, handivoile, handiéquitation, etc. Le département de la Moselle, quant à lui, organise carrément une « fête des sports nature », baptisée Moselle Sports Nature. Au programme, de l'aviron, du canoë-kayak, de la course d'orientation et des randonnées sur six sites du territoire.

Tourné vers l'avenir

             Autre atout, celui de la santé et du bien-être avec la multiplication des parcours de santé sur les chemins de randonnées et autres voies vertes. «Cela répond clairement à une demande de nos habitants », indique Pascal Pigot, maire des Martres-de-Veyre (Puy-de-Dôme) qui vient d'installer un parcours d'agrès en accès libre et permanent sur sa commune. Jean-Pierre Brenas (3), conseiller régional Auvergne Rhône-Alpes, en est persuadé, « les zones rurales ne doivent pas perdre leur temps et leur énergie à gommer leurs défauts, mais elles doivent au contraire valoriser leurs qualités et ressources. La ruralité doit jouer à fond la carte du sport de pleine nature et de pleine santé. C'est une attente très forte de nos concitoyens: fuir la pollution urbaine et profiter des grands espaces et autres voies vertes. C'est aussi, le moyen de décrocher des fonds européens. Ainsi, est donnée aux élus locaux la possibilité de financer des infrastructures sportives qui profiteront aux jeunes et aux moins jeunes de nos campagnes ».
Une façon de se tourner résolument vers l'avenir. En ayant en tête un écueil à éviter, celui que pointait Yves Leycuras, président de l'association Sport-Massif-Central, en ouverture de l'édition 2017 des Assises sport et territoires ruraux, en octobre 2017 « Les campagnes ne sont pas que des terrains de jeu pour les urbains ».
Un équilibre délicat qui reste à trouver.


Source : Acteurs du Sport