Le mécénat local en quête d'un cadre juridique



             Les entreprises développent de plus en plus de partenariats avec les associations sur des problématiques locales dans lesquels les collectivités territoriales jouent un rôle d'animateur et de facilitateur. Ce "mécénat local" en plein essor nécessite un nouveau cadre juridique permettant d'expérimenter des solutions et de favoriser une "recherche et développement sociétale".
             Alors que les collectivités locales sont confrontées à la baisse de leurs ressources, les entreprises s'investissent de plus en plus dans la vie de la cité, aux côtés des associations, dans le cadre d'un mécénat local. D'après une étude menée par Le Rameau, laboratoire de recherche appliquée sur les alliances innovantes au service du bien commun, près de 1,2 million de partenariats associations-entreprises existent actuellement. 38% des associations sont en partenariat avec des entreprises, dans le cadre d'un mécénat local pour 67%, et 37% des entreprises de 10 salariés et plus ont mis en place des relations partenariales avec des associations. "En cinq ans, le nombre d'entreprises engagées auprès des associations a augmenté de 8,5 points", détaille l'étude. Des entreprises qui "sont de plus en plus engagées sur les territoires et considèrent les alliances avec les associations comme un moyen efficace pour répondre aux fragilités du territoire mais aussi comme un levier d'innovation pour elles-mêmes", d'après l'étude.


Emploi et innovation sociétale au premier plan

             Les domaines couverts par ces partenariats sont divers mais l'emploi reste la première préoccupation. Les dirigeants associatifs considèrent ainsi que l'action des entreprises doit se focaliser prioritairement sur les problématiques économiques telles que l'emploi (46%) et le développement économique (38%) et soulignent aussi l'importance de leur rôle sur le lien social (23%). Même orientation pour les entreprises et les citoyens : les dirigeants pensent que les entreprises doivent se mobiliser pour répondre aux priorités "travail" et "dynamisme économique" des territoires, et notamment sur l'emploi (61%) et le développement économique et la mobilité (29%). Les citoyens précisent que les fragilités sur lesquelles les partenariats peuvent avoir de l'impact sont l'emploi (49%), le développement économique (46%) mais aussi le niveau de vie (40%). Les alliances entre acteurs économiques et acteurs de l'intérêt général sont aussi perçues comme une source d'innovation pour mieux répondre aux fragilités perçues (69% pour les citoyens, 81% pour les entreprises et 86% pour les associations). Les taux de pratique de partenariats sont différents selon les territoires : avec des régions très actives (Normandie, Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Corse) et d'autres un peu moins (Centre-Val-de-Loire et Bretagne).


Des collectivités locales managers de l'innovation ?

             Parmi ces initiatives : le partenariat Vinci-Réseau Cocagne, dans le cadre duquel la Fondation Vinci soutient des Jardins de Cocagne et accompagne le développement de projets d'insertion innovants portés par des associations locales, la création et le développement d'un fonds territorial à Bordeaux, ou encore les initiatives menées par le groupe Caisse d'épargne. Ainsi la Caisse d'épargne Loire Drôme Ardèche, constatant l'importance de l'isolement des personnes âgées dans les zones rurales du département, travaille avec le conseil départemental dans le cadre d'une convention triennale assortie d'un programme d'actions. "Ils coordonnent, ensemble, les associations qui travaillent sur la question des personnes âgées en Ardèche", détaille Laurence Weber, directrice générale du Rameau, précisant que "ce n'est pas qu'une question financière. Ces acteurs économiques ont une connaissance des établissements en place qui sont aussi leurs clients. Ils sont très impliqués." Les partenariats intéressent de plus en plus les collectivités locales. "Il y a quelques années, elles étaient très prudentes sur le sujet, il y a eu un déclic, poursuit la directrice générale du Rameau, elles se positionnent maintenant comme des facilitateurs, voire des animateurs de ces initiatives." Après une grande consultation citoyenne sur l'avenir de la ville, Sceaux a créé, avec l'aide du groupe SOS, un réseau social dédié à l'innovation territoriale, UP Campus. La plateforme, qui fédère déjà 9.500 personnes partout en France (citoyens, étudiants, salariés, associations, pouvoirs publics, retraités, monde académique) facilite les rencontres et permet de créer des connexions avec des personnes de tous horizons. "La collectivité locale doit se positionner comme un manager de l'innovation", a souligné Othmane Khaoua, conseiller municipal délégué à l'ESS à la ville de Sceaux, lors d'un colloque organisé à Paris le 20 septembre par Koeo, plateforme du mécénat de compétences, et Génération 2, un collectif de consultants en stratégie autour de l'engagement sociétal, en partenariat avec la mairie du 18e arrondissement.


Un nouveau cadre pour une "R&D sociétale" ?

             Mais le développement de ces initiatives n'est pas toujours simple. "Aujourd'hui le cadre est limitatif et contraignant, a ainsi signalé durant ce colloque Floriant Covelli, responsable du développement territorial à la Fondation de France, on se retrouve avec des projets qui peuvent être à cheval entre les enjeux sociaux et économiques." Ce que les entreprises, les associations, les citoyens et les collectivités inventent ne rentre tout simplement pas dans les cases. Conséquences : les précurseurs de ce type de partenariats en prennent les risques. "Il faudrait au moins un cadre juridique, social et fiscal pour la recherche et développement sociétale car il y a plein de choses à inventer", assure Laurence Weber. Akim Oural, adjoint au maire de Lille et auteur du rapport sur l'innovation territoriale milite pour un "droit à l'expérimentation". "Les territoires portent en eux les solutions pour répondre aux nouveaux enjeux, précise-t-il à Localtis, l'Etat ne peut plus tout. Avec ces nouvelles alliances, on a la capacité d'être résilient sur les territoires."



Emilie Zapalski


Source : Localtis